
Depuis plusieurs mois, l’Intel 18A est au cœur des discussions dans l’industrie des semi-conducteurs. Présenté comme un jalon clé dans la stratégie de redressement technologique d’Intel, ce procédé de gravure avancé devait marquer une étape décisive dans la concurrence face à TSMC et Samsung Foundry. Mais un élément critique freine aujourd’hui sa mise en production : un taux de rendement dramatiquement bas.
Une avancée technologique freinée par le rendement
Le rendement – ou taux de puces fonctionnelles par rapport au total produit – est un indicateur vital dans l’industrie. Selon les informations relayées par Wccftech, les wafers produits en Intel 18A pour les premiers échantillons de Panther Lake afficheraient un rendement d’environ 10 % à l’été 2025. Pour être économiquement viable, Intel vise généralement un minimum de 50 %, avec un objectif optimal situé entre 70 % et 80 %.

Dans certains cas, les fondeurs acceptent de lancer la production avec un rendement inférieur pour gagner du temps sur la concurrence. Mais Lip-Bu Tan, nouveau PDG d’Intel, refuserait de prendre ce risque, estimant qu’une production à faible rendement entraînerait des pertes financières considérables et pourrait affecter la qualité finale des produits.
Panther Lake : un lancement incertain
Officiellement, Panther Lake devait être le premier CPU gravé en Intel 18A, avec une production initiale prévue fin 2025 et une montée en puissance début 2026. Certains analystes affirment que ce léger décalage reste conforme à la feuille de route interne, mais la perception sur le marché est tout autre : ce retard alimente l’incertitude et nourrit les spéculations sur la capacité d’Intel à respecter ses engagements.

Intel avait aussi l’intention d’utiliser Panther Lake comme vitrine pour attirer des clients externes vers sa division fonderie (Intel Foundry Services). Un glissement du calendrier pourrait compromettre cette ambition, d’autant que la concurrence continue d’avancer rapidement.

Des enjeux financiers et industriels majeurs
Le contexte interne d’Intel complique encore la situation. L’entreprise cherche à réduire ses pertes d’exploitation et à restaurer la confiance de ses actionnaires. Produire en 18A avec un rendement trop faible ne ferait qu’aggraver la pression sur les marges.
Lip-Bu Tan se trouve ainsi face à un dilemme stratégique : maintenir la pression du calendrier au risque de compromettre la rentabilité et la qualité, ou retarder la production pour fiabiliser le procédé, au prix d’une perte d’avantage compétitif.
Le spectre des comparaisons avec AMD
Les débats autour de la gouvernance d’Intel rappellent la stratégie de Lisa Su chez AMD, qui avait su concentrer les ressources sur le pari gagnant de l’architecture Zen, au prix de choix drastiques. De nombreux observateurs se demandent si Intel saura adopter une approche tout aussi ciblée et audacieuse, ou si la prudence l’emportera sur la prise de risque.
Ce que cela signifie pour l’avenir
Si Intel parvient à relever rapidement le rendement de son 18A, Panther Lake pourrait encore arriver sur le marché avec un impact majeur, notamment grâce à ses optimisations attendues en performance par watt et sa compatibilité avec des designs innovants. Mais chaque trimestre de retard rapproche un peu plus l’entreprise d’un scénario où elle devra batailler pour rattraper un décalage technologique qui, dans ce secteur, se mesure en années.
En attendant, le marché guette les annonces officielles susceptibles d’arriver d’ici la fin de l’année. La situation de l’Intel 18A illustre bien le dilemme constant de l’industrie des semi-conducteurs : innover rapidement, mais sans précipitation, au risque de lourdes conséquences.
D’ailleurs, dans notre fuite sur Nova Lake, nous soulignions déjà qu’évoquer un lancement mobile en 2027 alors que Panther Lake n’a pas encore vu le jour revenait à planifier des vacances sur Mars sans avoir exploré la Lune… et il faut croire que nous n’avions pas tort.